Déposée le 1er novembre dernier au Sénat par les sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la proposition de loi n°108 « Visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », dite « Loi Duplomb » était examinée lundi 26 mai dernier à l’Assemblée Nationale.
Ce texte est connu principalement par l’une de ses mesures phares, l’autorisation accordée à nouveau d’utiliser certains néonicotinoïdes – les pesticides réputés « tueurs d’abeilles » –, alors qu’ils étaient interdits depuis 2018. Mais elle réduit également considérablement les décisions prises par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), car si le texte est adopté, il permettrait au gouvernement de revenir sur les interdictions qu’elle avait décrétées.
Pour mémoire, cette agence publique est notamment chargée d’évaluer l’efficacité et les risques que représentent les matières fertilisantes et les biocides pour la santé humaine et les écosystèmes, et délivre ou retire l’autorisation de leur mise sur le marché.
L’autorisation d’utilisation des drones pour pulvériser les pesticides est également prévue dans la proposition de loi ; il en va de même pour l’autorisation de construction de bassines, selon le principe de l’intérêt majeur, alors qu’elles ne bénéficient qu’à une minorité d’agriculteurs. Les conditions d’autorisation et d’agrandissement des élevages industriels et autres fermes usines seraient également assouplies.
Selon un porte-parole d’un syndicat agricole interrogé par Reporterre, la proposition de loi ne répondrait en réalité pas aux attentes des agriculteurs dans leur majorité, mais bénéficierait aux seules grosses exploitations agricoles.
C’est donc un grave retour en arrière sur les problématiques de santé publique, d’environnement et de biodiversité qui sont cœur du débat.
Lundi, les partisans de cette loi ont finalement voté une motion de rejet. Ce faisant ils privent les députés d’un débat public. Ce vote de rejet provoque également le renvoi de l’examen du texte par une commission mixte paritaire de sept députés et sept sénateurs qui se réuniront à huis clos pour s’accorder sur une version commune du texte, c’est-à-dire loin de tout regard externe…
Si cette proposition de loi est adoptée en l’état, c’est non seulement le retour des pesticides dans nos aliments, mais également une faille importante dans notre système de protection sanitaire et environnemental.
Devons-nous accepter sans rien dire ce détricotage permanent des lois et normes qui protègent notre santé, la nature et la biodiversité dont dépendent tous les êtres vivants ? Doit-on accepter ces assauts constants visant à déréglementer une partie de notre économie pour favoriser la production agro-alimentaire de quelques grands groupes financiarisés ? Ces derniers ne facilitent pas l’exercice de la profession d’agriculteurs, mais l’exploitent au contraire, et enferment de nombreux agriculteurs dans une dépendance aux banques et à ces grands groupes agro-alimentaires ; ils favorisent de plus des pratiques agricoles néfastes pour la nature, pour les animaux et pour les humains.
À toutes ces questions, les Écocitoyens que nous sommes, ne peuvent répondre que non !